C’est difficile (et c’est une bonne chose)
Les années de prépa sont difficiles. Le rythme est intense. En moyenne, tu as deux heures de mathématiques et deux heures de physiques par jour, parfois plus. Ou alors tu as l’une des autres matières - anglais, français, sciences de l’ingénieur, informatique - dans la journée. Chaque semaine, tu apprends un nouveau chapitre de mathématiques et de physique. Mais alors que tu découvres de nouveaux concepts, tu dois aussi travailler les cours de la semaine précédente pour te préparer aux colles. Ce sont des interrogations orales d’une heure que tu as chaque semaine (une en maths, une en physique). Quand, à la fin de la semaine, tu as fait tes deux colles et bien suivi le cours, il te reste encore le devoir surveillé. Parce que tous les samedis matin, tu as un devoir surveillé de 4 heures sur l’une des matières.
C’est ça la difficulté de la prépa : tu dois constamment jongler entre apprendre le cours de la semaine, te préparer pour tes colles et réviser pour le devoir du samedi.
Sachant qu’en plus, ce que tu apprends en prépa est difficile. Cela n’a rien à voir avec ce que tu as appris au lycée. C’est infiniment plus approfondi et plus abstrait. Les exigences sont aussi beaucoup plus hautes. Ton cours est rempli de théorèmes et de leurs preuves ainsi que d’exercices “classiques” qui tombent souvent aux concours. Et le minimum que l’on attend de toi est que tu les maîtrises parfaitement parce que la différence pour les écoles réputées va se faire sur des choses plus avancées. Connaître par cœur le cours n’est que la première étape avant de s’attaquer à des exercices plus difficiles où tu vas devoir réfléchir par toi-même et pas simplement appliquer une méthode.
Enfin, tu dois faire tout cela en étant sous pression constante. Une pression qui vient des profs, des autres élèves et de toi-même.
En cours, parfois, tu dois passer au tableau pour corriger l’exercice de la veille. Sauf que tu n’as rien compris à l’exercice, que tu n’as pas eu de temps à lui consacrer parce que tu finissais un DM jusqu’à tard et que, de toute façon, tu es en retard sur le cours de la semaine donc tu n’avais aucune chance de le comprendre sans rattraper d’abord. Donc, quand tu arrives au tableau, tu commences à bégayer et tu bloques. Et tu vas te faire incendier par le prof. Devant 40 élèves. D’autant plus que les profs de prépa ne sont pas seulement exigeant, ils sont aussi créatifs dans la façon de te dire que tu es nul. Après cela, tu es en stress à chaque fois que le prof choisit la personne pour corriger un exercice.
En colle, c’est pire vu que vous n’êtes que trois. Au moins en cours, tu passes un mauvais moment pendant 15mn et ensuite il faut avancer sur le chapitre. En colle, tu peux littéralement te faire enchaîner pendant une heure entière. Rien que l’idée d’avoir une colle avec tel professeur te met en sueur. Aussi, tu entends que d’autres personnes de ta classe ont très bien réussi leur colle et maîtrises le cours de la semaine parfaitement. Sachant que les concours te forcent à penser en termes de compétition, quand tu entends que les autres réussissent là où tu échoues, tu le vois comme une mauvaise nouvelle.
En DS, tu te mets la pression tout seul. Quand tu bloques sur le sujet, tu commences à douter de ton niveau. Tu commences à t’imaginer bloquer au moment des concours. Même quand tu réussis, tu te demandes si tu réussis parce que tu es bon ou si tu réussis parce que le sujet était facile et qu’il ne le sera pas au moment des concours.
Donc oui, la prépa est difficile. Que ce soit le rythme, le contenu des cours ou la pression.
Et c’est très bien comme ça.
Je me rends bien compte que j’ai dressé un tableau assez sombre de la prépa mais c’est vraiment la façon dont j’ai perçu une partie de mon expérience. Mais ça ne veut pas dire que c’est une mauvaise expérience pour autant. C’est une expérience difficile mais pas mauvaise. Parce que tu en retires tellement que c’est rentable. Tu ne peux pas avoir les meilleures choses dans la vie en ne choisissant que la voie facile. La prépa, c’est deux ans de difficultés pour ensuite t’ouvrir des portes pour le reste de ta vie. Ici, je ne parle pas juste de t’ouvrir les portes d’une école d’ingénieur réputée. Je parle de tout ce que tu vas apprendre en prépa et qui sera utile plus tard.
1) Tu apprends que peu importe à quel point une tâche paraît difficile sur le moment, en travaillant, tu peux l’accomplir. Combien de fois j’ai parcouru le polycopié du nouveau chapitre de maths en me demandant comment j’allais faire pour apprendre tout cela. Des pages et des pages de symboles incompréhensibles. Et pourtant, une semaine après, j’étais toujours au point sur le cours et prêt pour ma colle.
2) Tu apprends à mettre ton égo de côté. Quand tu sors du lycée, tu es arrogant. Tu ne rends pas compte de ton niveau exécrable donc tu te surestime. Tu te crois spécial et destiné à réussir. Quand tu arrives en prépa, tu réalises que tu n’as aucun niveau. Tu découvres les vraies maths. Tu constates qu’il y a des élèves bien meilleurs que toi, qui comprennent trois fois plus rapidement et pensent à des solutions auxquelles tu n’aurais jamais pensé. Tu galères sur des exercices de base. Tu as du mal à comprendre certains concepts. Et ce n’est pas grave. Cela t’aide à comprendre que tu n’es pas le meilleur et à l’accepter. Accepter non pas dans le sens où tu “abandonnes” mais dans le sens où tu vois que certaines personnes sont faites pour certaines choses et que si ce n’est pas grave si ce n’est pas ton cas. Je dis cela sachant que j’ai bien réussi en prépa. J’étais bien classé en première année, dans les meilleurs en deuxième année et j’ai obtenu l’école que je voulais. Mais j’ai intégré que je n’étais pas le plus intelligent, le plus doué ou celui qui allait avoir la meilleure école. Grâce à la prépa, j’ai abandonné cette idée de vouloir paraître intelligent. Parfois, tu fais des erreurs et tu dis des choses stupides. Mais cela ne dit rien sur toi. Ce n’est pas parce qu’une fois, tu as dit quelque chose d’idiot au tableau que tu es imbécile pour toujours et que tu n’as aucune valeur. Tu as fait une erreur, c’est tout. Tout comme ton prof, qui est un génie, fait parfois des erreurs. Tout comme le premier de ta classe fait parfois des erreurs et se fait remettre en place comme tout le monde. Ne pas réussir tel exercice ou ne pas comprendre tel théorème ne dis rien sur ton intelligence ou sur ta valeur. Tout ce que cela dit, c’est que tu devrais retravailler ce chapitre.
3) Tu apprends que tu peux travailler dur. Cela me paraît difficile maintenant de m’imaginer à quel point que je travaillais en prépa. Je me levais à 7h et me couchais à 23h. J’étais en cours de 8h à 17h avec deux heures de pause le midi. J’avais généralement une colle de 17h30 à 18h30. Ensuite, je travaillais de 19h30 à 21h30. Sachant que si j’avais un DM à finir pour le lendemain, cela pouvait aller jusqu’à 23h. Je travaillais aussi le week-end et pendant les vacances même si moins intensément. Donc en moyenne, j’ai travaillé 10h par jour pendant deux ans. C’est énorme. Surtout quand tu as 18 ans. Pourtant, je l’ai fait. Au bout d’un moment, j’ai pris le rythme et cela me paraissait normal. Je ne dis pas qu’aujourd’hui je le referais mais en tout cas, je sais que j’en suis capable.
La prépa est difficile et c’est justement son intérêt. C’est un système qui te pousse à travailler plus dur que tu ne l’as jamais fait sur des sujets difficiles. Cela fait un précédent dans ta vie. Ensuite, quand tu rencontres des difficultés plus tard, tu te remémore la prépa et tu te rappelles ce que tu as déjà traversé. Tu as déjà réussi à comprendre des concepts difficiles et abstraits. Tu as déjà réussi à résister à la pression des colles et des concours. Tu as déjà réussi à travailler plus de 12h par jour pendant plusieurs semaines.
Cependant, je pense que pour tirer le maximum de son expérience en prépa, il faut avoir la bonne perspective. Tu peux voir chacune de tes expériences de deux façons : soit comme une épreuve qui te permet de te développer, soit comme un mauvais moment que tu essayes d’oublier. Ce n’est pas difficile de voir la prépa comme un système malsain où on te pousse à bout. Il y a des moments durs et tu peux développer de la rancœur. Tu peux en vouloir à ton prof de t’avoir engueulé pour une erreur minime et le prendre comme une humiliation, tu peux en avoir marre de travailler tellement que tu n’as même pas le temps de te détendre pendant une heure à la fin de la journée et tu peux avoir du mal à supporter la compétition qu’il y a entre les élèves. Mais tu peux aussi voir cela d’une autre manière. Quand tu te fais incendier par ton prof, c’est une occasion de te marrer avec tes potes en répétant les dingueries qu’il t’a dit. Quand tu passes ton temps à travailler, c’est là que tu apprécies réellement les moments de repos que tu passes en famille. Quand tu penses à tous les élèves qui sont en compétition avec toi, tu te rends compte que cela te permet de te motiver pour travailler une heure de plus alors que tu pensais être trop fatigué pour continuer.
Mais c’est un choix que tu fais. Tu peux voir ces évènements comme des obstacles ou comme des opportunités. Ils peuvent te rendre aigri ou te renforcer. Si je devais donner un seul conseil à quelqu’un qui va en prépa, ce serait ça : comprends que la prépa va être difficile, accepte cette difficulté et essaye de voir dans chaque évènement en quoi cela peut te faire grandir.
Apprends les bases
Les mathématiques, c’est comme une pyramide. Tu commences par apprendre les connaissances élémentaires qui forment la base. Puis, avec ces nouvelles connaissances, tu peux aborder des sujets plus avancés, c’est les étages supérieurs de ta pyramide. Le truc c’est que si tu essayes de poser une brique du 4e étage sans avoir un 3e étage solide, ça va s’effondrer.
C’est tentant de s’entraîner sur des épreuves Polytechnique ou de Mines-Pont le plus tôt possible parce que tu te dis que si tu réussis cela, tu réussiras les sujets plus faciles alors que l’inverse n’est pas vrai. Sauf que ce raisonnement ne prend pas en compte que si tu as des lacunes, tu vas moins apprendre en faisant des sujets complexes. Tu vas perdre du temps à travailler des corrigés de sujets trop difficiles et apprendre des techniques avancées alors que n’es pas serein sur des techniques basiques. Du coup, en situation réel, tu seras bloqué sur les premières questions que tu n’as pas suffisamment travaillées et tu n’atteindras jamais les questions plus avancées pour lesquelles tu t’es préparé.
Ce qu’il te faut, c’est t’assurer que tu es à l’aise avec les fondamentaux et remonter petit à petit la pyramide. Cela n’a rien de honteux de s’entraîner sur des sujets considérés comme plus simples si cela te permet d’améliorer ta compréhension.
Mon conseil : liste tous les concepts/ théorèmes/ exercices classiques sur lesquels tu n’es pas serein et travaille les. On a tous ce chapitre de base qui nous met en stress mais que l’on n'ose pas avouer. Mais cela ne va pas se régler en le cachant sous le tapis. Si tu prends le temps de le travailler, non seulement tu t’assures que s’il tombe tu sauras gérer, mais en plus, il va probablement t’aider à mieux comprendre d’autres chapitres. Je connais beaucoup d’histoires de personnes qui ont pris le temps de reprendre les bases à un mois des concours et pour qui les maths ont enfin fait sens. Parfois, si tu ne parviens pas à comprendre un concept du 4e étage, c’est juste parce que tu as une brique défaillante au 2e étage. Il te manque juste un concept pour que toutes les briques se mettent en place d’elles-mêmes et que tu comprennes enfin ce qui te paraissait incompréhensible avant.
Une fois que tu seras au point sur les bases, tu seras au moins capable de t’assurer les premières questions de tous les sujets. Or, quand tu réussis les premières questions, ça te donne la confiance de te lancer sur des questions et sujets plus difficiles. Et quand tu fais ça, tu abordes le sujet avec le bon mental.
Le mental joue énormément
Je ne saurais pas quantifier exactement l’importance du mental en prépa mais il est considérable. Que ce soit pendant l’année ou pendant les concours.
Pendant l’année. Les profs ont souvent cette phrase en prépa : c’est un marathon, pas un sprint. C’est très vrai. Il y a des gens qui commencent fort en 1ère année et s’écroulent en 2e. Il y en a d’autres qui galèrent pendant les deux ans mais se révèlent au moment des révisions.
J’ai passé les 6 premiers mois à stresser et à me dire que j’allais abandonner. De Septembre à Décembre, j’avais juste l’impression d’être un imposteur et que cela finirait par être révélé au cours d’une colle ou d’une correction d’exercice au tableau. Je faisais même des recherches sur les alternatives à la prépa avant d’aller en cours le matin.
Puis en Janvier, il s’est passé deux trucs. Déjà, on a eu les résultats du premier semestre et il se trouvait que j’étais bien classé. Je me suis rendu compte à quel point je sous-estimais mon niveau et que mon travail payait. Ensuite, j’ai eu ma première colle où j’ai passé un bon moment. Le colleur était sympa, j’ai réussi mon exercice et mieux que ça : j’ai pris du plaisir à le faire. C’était la première fois que j’appréciais autant faire des maths. À partir de ce moment, ça a été beaucoup plus facile de continuer. J’ai arrêté de passer mon temps à me demander si j’avais le niveau et j’ai juste continuer à travailler.
Souvent, on se rajoute soi-même de la difficulté. En plus de devoir accomplir une tâche difficile, on ajoute notre opinion par-dessus. Mais dès que ta façon de voir les choses joue avec toi plutôt que contre toi, ce qui paraissait infaisable - tenir deux ans sous la pression - devient supportable. Parce que ce qui rend ta situation insupportable, c’est l’opinion que tu as dessus.
Pendant les concours. Tes révisions déterminent ton potentiel pour les concours. Ton mental détermine à quel point tu vas exploiter ce potentiel. Un élève moyen peut briller au concours parce qu’il a une meilleure résistance au stress que ses concurrents. C’est difficile d’exagérer l’impact du mental pendant les examens. Par exemple, aux écrits, les élèves qui viennent de prépa modeste ont souvent ce sentiment d’infériorité face aux élèves des grandes prépa. C’est purement mental et pourtant, cela donne un avantage certain. Aussi, pendant une épreuve, tu peux perdre complètement au mental. Ce qui se passe c’est que tu ne réussis pas bien une des premières question et tu commences à paniquer. Tu te dis que le pire scénario est en train de se produire: tu vas rater les concours que tu as travaillé pendant deux ans. Là, au lieu de réfléchir à la question, tu essayes de gérer ta panique. Le temps passe, tu n’avances évidement pas sur le sujet parce que tu n’arrives plus à te concentrer et cela te stresse encore plus. C’est un cercle vicieux. Au contraire, si tu réussis bien les premières questions, ça va te donner une inertie. Cela va te mettre en confiance et tu vas pouvoir avancer sereinement. Même si tu bloques sur d’autres questions, tes réussites précédentes te rassurent assez pour que tu ne paniques pas et que tu passes juste à la question suivante. Parfois la différence entre ta réussite ou ton échec à une épreuve dépend juste de cela: est-ce que tu tiens mentalement ou pas ? Est-ce que tu réussis à rester concentrer ou est-ce que tu cèdes à la panique ?
Mon conseil : Pendant l’année, rappelles toi que tout ce qui compte, c’est les concours. Cela n’a aucune importance que tu aies raté une colle ou un DS, c’est ta performance pendant les concours qui sera jugé. Tiens bon, serres les dents et sois certain que tes efforts finiront par payer. Tes petites progressions vont s’accumuler et te donner de grands résultats. Pendant les concours, ne te préoccupe pas des autres. Peu importe d’où ils viennent, ça reste des élèves comme toi. Ils sont tout autant stressés même s’ils ne le montrent pas. Peu importe ce qu’ils disent, ne les laisse pas te miner le moral. Par exemple, certains font exprès de dire tout haut qu’ils ont réussi tel sujet difficile sur lequel tout le monde a galéré, juste pour miner le moral des autres. Ne te fais pas avoir, reste concentré et donne ton maximum sur la prochaine épreuve.
L’hygiène de vie
Maintenant on va parler d'une stratégie trop peu abordée par ceux qui veulent réussir leurs concours: avoir une bonne hygiène de vie.
En prépa, la compétition est tellement rude que certains envisagent de réduire leur temps de sommeil pour avoir plus de temps pour travailler. Ils ont peur que pendant qu'ils se reposent, d'autres continuent à travailler et prennent de l'avance.
Ça c'est pour le sommeil, mais tu te doutes bien que ceux qui n'ont pas le temps pour dormir en ont encore moins pour prendre soin de leur alimentation ou pour faire une séance de sport.
Et après tout, ce n'est pas la priorité. Tu es là pour être performant intellectuellement pour les concours, pas pour préparer ton summer body.
Le problème est que ça va à l'encontre de toutes les études récentes sur le sujet, à savoir que le corps et le cerveau ne sont pas deux choses indépendantes. La qualité de tes réflexions est influencé par la santé de ton corps. Si tu manges mal, dors mal et ne fais pas de sport, alors tu ne peux pas être au maximum de ton potentiel intellectuel.
Parce qu'un sommeil de qualité contribue à la rétention d'informations apprises dans la journée, favorise la concentration pour le lendemain et aide à garder un bon moral.
Parce qu'une alimentation saine et équilibrée t'aide à avoir de l'énergie pour tes cours.
Parce qu'une activité physique régulière permet de favoriser l'activité cognitive.
Et évidemment, les trois sont liés. Quand tu fais du sport, tu dors mieux. Quand tu dors mieux, tu es moins susceptible de manger n'importe quoi. Quand tu manges mieux, tu as plus d'énergie pour faire du sport. Donc quand tu décides de faire attention à ton hygiène de vie, cela devient de plus en plus facile et efficace au fur et à mesure. Mais l'inverse est également vrai. C'est soit un cercle vertueux, soit un cercle vicieux. Soit ton hygiène de vie t'aide à réussir tes concours, soit elle te dessert.
Garder une bonne hygiène de vie - sommeil de qualité, alimentation saine, activité physique régulière - est une stratégie valide pour réussir en prépa. Il faut mieux voir ton sommeil, ton alimentation et ton activité physique comme des outils pour t'aider à performer plutôt que comme des corvées qui te prennent du temps de révision.
Si tu ne dors pas assez la nuit, il vaut mieux une heure de sommeil en plus qu’une heure de travail en plus. Ne t'inquiète pour ton concurrent qui a décidé de rester éveillé. Il va juste se priver d'une heure de sommeil pour une heure de travail qu'il n'assimilera pas parce qu'il n'aura pas laisser à son cerveau le temps de se reposer. Il sera fatigué en cours le lendemain et aura du mal à se concentrer tandis que tu seras reposé et prêt à tout donner.
Choisir son école
Maintenant, on va aborder l’éléphant dans la pièce. Le truc absurde que tout le monde réalise une fois arrivé en école d’ingénieur mais dont personne ne te parle : quand tu es en prépa, tu veux l’école la plus prestigieuse possible, pas celle qui te correspond le mieux.
Tu travailles tellement que tu n’as pas le temps de te poser pour réfléchir à ce que tu veux faire plus tard. D’ailleurs personne ne t’encourage à le faire, on te dit juste de bosser. Cela fait qu’on arrive dans une situation absurde où la plupart des personnes en prépa passent deux ans de leur jeunesse à travailler comme des acharnés sans savoir pourquoi ils le font. Parce que “intégrer une école d’ingénieur” ne veut rien dire.
La décision censée serait de chercher un domaine que tu aimerais sincèrement étudier, trouver les écoles qui proposent une filière dans ce domaine (et pas juste quelques cours qui effleurent le sujet) et faire une comparaison entre ces filières pour voir laquelle t’apprendrait le plus.
Mais ce n’est pas que l’élève moyen de prépa fait. Non, sa stratégie est de se tourner vers la seule métrique qu’il connait : le classement. Il intégrera l’école la plus prestigieuse qu’il aura. Et cela lui paraît normal parce qu’en prépa, le classement fait tout. On te juge par rapport à ton classement dans ta promo. Tu juges les autres élèves par rapport à leur classement. Tu juges même les anciens élèves par rapport à l’école qu’ils ont obtenu. Ce qui donne envie en prépa, c’est un mec qui te dit qu’il a intégré une Centrale ou une Mines-Pont, pas un mec qui te dit qu’il aime ce qu’il apprend en cours.
Le problème est que cette mentalité ne tient que lorsque tu es en prépa. Parce qu’un jour, tu finis par intégrer une école et tu dois suivre son tronc commun. Je peux t’assurer que quand tu découvres que le tronc commun est rempli de cours dont tu fiches complètement, ça fait mal. Et ce n’est pas le classement de ton école qui va te remonter le moral. Tu as le sentiment que tu as travaillé comme un malade pendant deux ans et que ta récompense c’est de devoir continuer à apprendre des choses qui ne t’intéresse absolument pas. Alors que c’est littéralement ce que tu as fait au lycée et en prépa pour pouvoir enfin choisir quand tu serais en école. Mais non, tu es en Bac+3 et tu vas encore devoir apprendre des choses qui ne te serviront jamais.
C’est triste mais beaucoup commence à réfléchir à ce qu’ils aimeraient apprendre après avoir intégré. C’est à ce moment qu’ils commencent à avoir des doutes : pourquoi est-ce que j’ai travaillé autant ? Pourquoi est-ce que j’ai intégré cette école ? Trop souvent la réponse étant “parce que c’était l’école la plus prestigieuse que j’ai obtenu”. Ou pire, “parce que je n’ai pas pris le temps d’y réfléchir”.
Mon conseil : réfléchis en avance à ce que tu veux faire plus tard et choisis ton école d’ingénieur en fonction. C’est un conseil de base mais peu de taupins le font. Même si tu es très occupé en prépa, tu peux libérer quelques heures à chaque vacance pour discuter avec des gens de différents milieux pour voir quel domaine pourrait te plaire et pour faire des recherches sur les écoles. C’est normal si tu ne sais pas exactement ce que tu veux faire. La seule façon de savoir si un métier te plaît, c’est de faire ce métier. Donc tu ne pourras jamais être certain de ton choix. Mais en faisant ces recherches, tu seras quand même capable de comprendre un peu mieux ce que tu veux et ne veux pas et tu pourras éliminer des mauvaises options.
En plus, si tu as un objectif clair, cela va te motiver à travailler pour l’atteindre. C’est impressionnant la motivation que tu peux ressentir quand tu es sincèrement excité à l’idée d’entrer dans une école parce qu’elle va te permettre d’apprendre ce que tu veux.
Le monde ne tourne pas autour de la prépa
Quand tu es en prépa, tu as l’impression qu’il n’y que cela qui compte. Tout ce qui t’importe, c’est de réussir aux concours. Toute ta vie est centrée sur tes études. Je me souviens que j’avais du mal à me projeter plus loin que la fin des concours. Comme si la vie s’arrêtait avec la prépa. Comme si une fois que tu as ton école d’ingénieur, c’était fini.
Tu as cette impression parce que tu ne fais que ça de tes journées. La prépa est toute ton identité. Avant (et après) la prépa, tu fais du sport, tu vois tes amis, tu as pleins d’activités annexes. Mais une fois en prépa, même si tu as encore un peu de temps libre, cela devient des indulgences par rapport au seul truc qui compte vraiment : ta préparation aux concours. Tu ne te définis que par cela. Toute ta personnalité est réduite à être un élève en prépa. Et tu vois les autres avec cet angle là aussi. Quand tu rencontres un ingénieur, la première chose que tu veux savoir est l’école qu’il a obtenue, non pas quel travail il fait actuellement ou s’il a des hobbies.
C’est pour ça que les élèves de prépa se mettent une telle pression pour avoir la meilleure école possible : ils ont l’impression que c’est la seule variable qui compte dans la vie. Sois tu as une bonne école et tu as réussi, soit tu as une mauvaise école et tu as raté.
Alors révélation …, ce n’est pas le cas.
Déjà, il y a une vie après la prépa. C’est difficile à le comprendre quand, pendant deux ans, ta vie se résumait à étudier des maths et de la physique. Mais en fait, il y d’autres trucs qui comptent. Tu peux (et vas) t’épanouir par plein de choses qui n’ont rien à voir avec les études. Le sport, les rencontres, les projets, les voyages, etc. Intégrer une école n’est pas la fin mais le début. C’est là que tu vas découvrir la vie étudiante et préparer sérieusement ton début de vie professionnelle.
Ensuite, ta vie n’est pas déterminée par l’école que tu as obtenue. Notamment parce qu’à part les taupins, il y a peu de gens dans le monde qui se préoccupe de l’école d’ingénieur que tu as intégré. Bon c’est vrai que les recruteurs y accordent un peu d’importance, mais à part cela, tu te rends vite compte que tout le monde s’en fout de ton école. Tes hobbies, ta personnalité, tes projets, voilà ce qui importe quand tu rencontres une nouvelle personne. La prépa où tu as étudié, tes résultats au concours et l’école que tu as intégrée, ce ne sont que détails parmi d’autres.
L’école que tu obtiens va avoir un impact sur le reste de ta vie, comme toutes tes décisions, mais elle ne te condamne pas. Ce n’est pas parce que tu intègres une école d’ingénieur peu réputée que tu ne pourras jamais rien accomplir. Et ce n’est pas parce que tu intègres la meilleure école que tu vas accomplir quoi que ce soit. D’ailleurs, chaque année, il y a des élèves qui intègrent les meilleures écoles, qui se rendent compte que ce n’est pas fait pour eux et finissent par se réorienter. Donc ton école ne détermine pas ton futur. Elle rend juste certains futurs plus probables que d’autres. Elle détermine les routes “par défaut”. Ce sont tes futurs les plus probables en sortie d’école (consultant dans tel domaine, travail en banque, etc). C’est ce que tu vas faire si tu ne fais que suivre la trame de ton école.
Mais si tu veux faire autre chose, c’est possible. C’est plus difficile : tu dois faire tes propres choix et non pas suivre les autres, tu dois sortir du statu quo et prendre des risques. Mais c’est possible. Tu peux travailler dans des domaines qui n’ont rien à voir avec ton école. Tu peux avoir un poste à haute responsabilité dans une multinationale et gérer des ingénieurs diplômés d’une école plus réputée. Ou tu peux décider de te réorienter complètement.
C’est possible parce qu’il y a bien plus de compétences que les maths et la physique qui ont de la valeur sur le marché. Quand tu es en prépa, il y a que ça qui compte. Quand tu en sors et que tu reviens dans la vraie vie, tout le monde s’en fout que tu ais obtenu 16 à un sujet Mines-Pont (sauf les gars de prépa bien entendu) parce qu’il y a des compétences qui valent plus. Tu peux être moyen en maths mais avoir un niveau exceptionnel en marketing, en leadership ou en programmation. Et ces compétences peuvent te mener très loin. Bien plus loin qu’un niveau excellent en maths. Mais ça, tu ne peux pas t’en rendre compte en prépa parce que tu es jugé sur un nombre limité de compétences.
Bien sûr, il y a des exceptions où en fonction de ton école, tu peux avoir du mal à intégrer certains milieux. Il y a une minorité de personnes venant des écoles les plus prestigieuses qui ne te considèrent même pas si tu n’as pas intégré une école aussi réputée que la leur. C’est vrai que si tu veux côtoyer ces gens-là, l’école que tu intègres est primordial. Mais devine quoi ? Tu ne veux pas les côtoyer. Parce que des gens imbus d’eux-mêmes qui n’estime une personne que sur son école d’ingénieur et non pas sur ses compétences et qualités humaines ne méritent de toute façon pas ton intérêt.